Cet article n’a pas vocation à défendre une définition du mot travail plutôt qu’une autre. En effet, rien que dans le dictionnaire Larousse, il n’existe pas moins de 15 définitions du mot travail. Toutes ont leur nécessité dans leur contexte. Et plus encore, nous pourrions en trouver d’autres. Cet article est une invitation aux lectrices et lecteurs à se réinterroger sur les représentations qu’ils portent autour du mot travail et comment celle-ci influence leur vie et celle de leur entourage.

Je ne suis ni sociologue du travail, ni spécialiste de cette question en particulier. Simplement, depuis 2015 je travaille sur les questions d’organisation du travail : système de management qualité, prévention des risques psycho-sociaux et des troubles musculo-squelettiques, l’hygiène et la santé, le développement des compétences, etc. Depuis 7 ans j’ai vu et vécu une grande diversité de situations de travail depuis les open-spaces des multinationales jusqu’aux tiers-lieux et milieux associatifs,… Et j’ai pu constater que nos représentations internes autour du mot travail influences parfois nos comportements, nos réactions, nos souffrances.

Laissez-moi-vous conter une situation caricaturale illustrant ce propos.

 

Jugement

 

Une définition économique usuelle apportant une souffrance personnelle

La semaine dernière, ma fille de 17 mois s’est retrouvée fiévreuse avec des pics à 39-40°C pendant 3 jours. Son papa en mission et mon emploi du temps pouvant s’aménager, je me suis donc transformée en infirmière et je me suis consacrée à elle. Au matin du troisième jour, mon associé m’appelle pour prendre quelques nouvelles. Après quelques échanges je lâche la guillotine : « Ca fait deux jours que je ne fou rien ». Sa réponse a recousu ma tête sur mes épaules : « Non, tu t’es occupée de ta fille ».

Pourquoi une telle violence ? Pourquoi un tel jugement envers soi-même ?

Parce qu’à cet instant, je me suis positionnée dans un monde où la définition du travail est une définition purement économique : « Le travail est l’activité rémunérée qui permet la production de biens et de service ».

Dans ce monde-là, s’occuper de son enfant n’est pas productif. Et donc la perception d’un parent sur lui-même, s’occupant exclusivement de son enfant, peut donner une sensation de ne plus être en mesure de contribuer à la société, de perte de productivité et donc peut être source de souffrance.

Questionner ses représentations et apporter des nuances  

Or, il n’y a pas UNE définition du travail, mais DES définitions du travail. Et nous pourrions tout de suite émettre quelques nuances dans cette définition économique et usuelle du travail.

Si je confie mon enfant à quelqu’un pour s’occuper d’elle, à un tiers dit « professionnel », il me faudra rémunérer cette personne. Cette « tâche » deviendrait un service, aurait une valeur marchande, et le « professionnel » serait productif.

Alors, parce qu’un parent s’occupe de son enfant, sans être rémunéré, n’a pas le droit de considérer que cette « valeur » existe, bien que non marchande ? Doit-il considérer qu’il ne contribue plus dans le système économique et se juger durement ?

Questionner - chercher - enquêter
Fourmis

Trouver d’autres points de références

Et si nous nous penchions sur les origines du travail ? L’humanité a-t-elle réellement inventé le travail, son organisation et sa complexité ?

Regardons les animaux, et plus particulièrement les insectes. Les fourmis ou les abeilles sont réputées pour être de grandes travailleuse et très efficaces dans ce quelles entreprennent.

Ces insectes, présents sur notre planète bien avant nous, transforment inlassable le monde afin d’assurer leurs existences, la subsistance du collectif et de leurs descendances. Nous pouvons également constater leurs capacités à diviser et organiser le travail.

La division du travail atteint un degré maximal de sophistication chez les espèces évoluées dont les sociétés comptent des milliers ou des dizaines de milliers d’individus. C’est le cas chez les fourmis champignonnistes d’Amérique du Sud qui se nourrissent d’un champignon qu’elles cultivent. Cette activité n’exige pas moins de 29 tâches différentes confiées à autant de catégories d’ouvrières.

Grâce aux fourmis nous pourrions donc imaginer que le travail soit une transformation inlassable du monde afin d’assurer nos existence, celle du collectif et de nos descendants.

Neandertal ou Homo Sapiens à l’époque du Paléolithiques travaillaient déjà. Ils transformaient le monde par la construction de leurs abris, la constitution de réserves alimentaires, la fabrication d’outils et vêtement, la création de nouveaux outils, etc. Chacun en mouvement dans la réciprocité, ils assuraient ainsi la survit du groupe et des descendants.

C’est ensuite, avec la complexification des sociétés humaines, que la monnaie est apparue afin de faciliter les échanges entre les individus, et qu’une valeur marchande a pu se construire autour des biens et services échangés.

Nous pourrions donc voir le travail comme un acte de transformation de l’environnement, un acte créateur, dans la réciprocité.

Le travail est un acte de transformation du monde afin d’assurer notre existence, la subsistance de l’humanité et de celle de nos descendants. C’est un acte qui doit se réaliser dans la réciprocité, et cette réciprocité peut dans de nombreux cas s’exprimer à travers l’échange monétaire.

Et dans ce monde là, prendre soin d’un enfant malade est un acte de productivité très élevé, et un parent a toutes les raisons de penser qu’il contribue pleinement à prendre soin du collectif et de sa descendance.

  

Conclusion autour d’un corollaire de la définition du mot travail 

Cette définition du mot travail n’est qu’une proposition, qui pourrait se discuter et s’ouvrir à d’autres questions et d’autres propositions de définitions. Et si vous le souhaitez, je vous invite à partager votre propre définition.

Ce qu’il faut surtout retenir c’est que nos représentations les plus rigides peuvent aboutir à des jugements négatifs sur nous même et avoir des conséquences néfastes sur nos relations avec les autres. Les mots n’ont pas toujours qu’une seule signification. Faire un pas de côté, se rappeler de la diversité des définitions possibles peut parfois nous sortir de notre espace de souffrance et nous amener dans un espace qui nous transcende.